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  Le monde selon l'alcool
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- Janvier 2007 : Pierre Delanoë, Jean-Edern Hallier, les risques de l'alcool au volant...
- Décembre 2006 : Michel Onfray, le Vin dans ses Oeuvres, Resveratrol, JM Le Pen, Security Feel Better...
- Novembre 2006 : Bernard Pivot, Dégustation du champagne, Michel Daerden, santé +, santé -, spiritueux...
- Octobre 2006 : Karine et le Gastronom, Airbus (suite) , Gérard Oberlé, les pays producteurs, guides des vins...
- Septembre 2006 : Airbus de Toronto, pénurie de vodka, histoire de l'anis, mezcal au scorpion, enquête par autopsie...
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- Juin 2006 : Concert de guitare et de charité, Marina Vlady, Kenneth Cook, Michel Smith, Jérôme van der Putt, JP Géné...
- Mai 2006 : Surproduction, Gloria Montenegro, Vignobles d'Ile-de-France, ébriété Total, terroirs, Colin Clarke, urothérapie...
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HOMMAGE

APOPLEXIE

Pierre Delanoë nous a quittés, foudroyé en pleine jeunesse, à 88 ans. Meilleur vivant que lui, impossible. A preuve l'épilogue de la dernière chanson (Billy le Bordelais) écrite pour Joe Dassin :

Car le bon vin de Saint Emilion,
Ça vous donne un coeur de lion,
Mais l'ennemi guettait le pauvre garçon.
On lui a glissé dedans son verre,
De l'eau à dose mortelle,
Il est mort dans un dernier glouglou.

Pierre Delanoë n’a jamais fait un repas sans écluser une bouteille. Et il faisait plutôt trois repas que deux par jour …

Même dans leur chambre, les vieillards n'ont plus le droit de fumer

Alors, à chaque fois qu’il prenait connaissance d’un nouvel édit – genre interdiction aux vieillards de fumer dans leur chambre* - il frisait l’apoplexie. Avec l’accumulation de ces édits, pas étonnant qu'il ait fini par succomber.

Justin PETIT-DERNIER

* Dans les maisons de retraite

La prudence au carré

Soyons clairs. En voiture, une seule chose compte : éviter l’accident. Un décès, ça peut en peiner certains. Une blessure, cela gâche une vie. A côté de cela, barrages, ballons, prises de sang, gardes à vue, menottes, confiscations, pertes de permis, stages de réhabilitation… tous ces tracas sont peanuts.
Alors, si par inadvertance vous deviez conduire en état euphorique, redoublez de prudence. Un double whisky implique de quadrupler sa vigilance. et si vous êtes arrêté, souriez, c'est pas grave !

Jean-Pierre JUMEZ

Drink, Drive, Die!

On n'éradiquera jamais la fatalité

Drink, Drive, Die! C’est le slogan de la campagne en Nouvelle-Zélande. S’y ajoutent naturellement des contrôles diurnes et nocturnes auxquels il vaut mieux éviter de se frotter. Les résultats s’avèrent pourtant mitigés.

Il y a quelque temps, je me suis imposé une retraite “peinture” à Queenstown, dans l’île du Sud, ce que je considère comme l’un des paysages le plus majestueux au monde. Alors que je contemplais le lac sur la terrasse d’un café, six policiers australiens se sont attablés à côté de moi. Ils avaient la cinquantaine et étaient visiblement bien partis. Nous avons sympathisé et j’ai demandé à l’un d’entre eux s’ils appartenaient tous à la même unité. « Que non », me répondit-il en rigolant « mais attention, il y en a un qui appartient à la section circulation ! ».


« Je l’ai rencontré il y a une dizaine d’années ; il m’a pourchassé sur sa moto, m’a fait stopper et m’a demandé si j’avais bu. Devant mon silence embarrassé, il m’a demandé de souffler dans le ballon. Edifié par mon peu d’enthousiasme, il m’a gentiment proposé de le faire à ma place ».

« Vous voyez, Monsieur, le test est largement positif, j’ai bien fait de vous arrêter ! ».


Derrière cet humour typiquement australien, il faut bien voir que les poursuivants sont souvent aussi coupables que les poursuivis.

Il y a une vingtaine d’années, d’ailleurs, je me suis fait prendre en flagrant délit (statistiquement, c’était inévitable). Au tribunal, le juge m’a fait la morale et m’a condamné à 600 dollars d’amende avec un retrait de permis de 7 mois à la clé. Deux mois plus tard, j’ai lu dans les journaux que ce juge s’était fait prendre en train de conduire dans le mauvais sens sur l’autoroute, et avait proposé de l’argent au constable car, faisait-il remarquer « vous et moi avons un métier stressant ». Le juge a été viré, et j’ai récupéré mon permis peu après.

Nous sommes devenus les meilleurs copains du monde


Ici en Nouvelle-Zélande, si vous montrez au juge que vous dépendez de votre voiture pour le travail, on vous accorde en cas de condamnation un permis spécial que vous ne pouvez utiliser qu’aux heures de bureaux.

Des millions sont dépensés en vain pour persuader les jeunes de rester sobres au volant. En vain car on ne peut rien faire entendre à un sourd.


Que voulez-vous faire ? La conduite en état euphorique est ancrée dans nos sociétés. C’est comme le rhume, on ne l’éliminera jamais complètement.

Colin CLARKE (traduction : Sally O'GOULLOW)

P.S. Je sais que vous attendez tous l'épisode final de l'atterrissage rocambolesque de l'Airbus de Toronto. La vérité m'oblige à avouer que j'éprouve de la peine à pondre un scénario plausible. J'ai beau me tordre la cervelle, rien dans mon imagination ne peut raisonnablement inventer que deux pilotes posent leur avion à 700 mètres d'une piste très courte, et attendent 7 secondes avant de lancer le freinage, en sachant de surcroît que leur appareil est notoirement sous-motorisé... Même quend je suis complètement pété, je ne mets pas 7 secondes à trouver la pédale de frein. Mais je vais bien finir par trouver quelque chose !

« Airbus A 320 : Avion ayant engendré une longue polémique portant sur le pilotage à deux ou à trois, et pour lequel, suite à une beuverie au beaujolais dans un cockpit, la direction a finalement opté pour le pilotage à trois sans vin »

Ni roses, ni champagne

En France, les autorités ne prennent pas de pincettes. Notre ambassadrice at large Elisabeth vient d’en faire l’amère expérience. Retour d’une soirée bien arrosée :

« Je rentrais doucettement d’Asnières lorsque je suis tombée sur ce barrage hérissé de ballons. Bilan : 0.7 g. Ça pouvait être pire. On m’embarque quand même. Re-ballon au commissariat : 0.8g. La période ascendante est manifeste. Direction Bichat, menottée. Prise de sang. Retour au commissariat et me voilà embastillée. Mon chien, complice, est enfermé au sous-sol.
C’est la première fois que je ne trouve ni bouquet de roses ni bouteille de champagne à mon arrivée. Je manifeste ma désapprobation toute la nuit.
On nous libère le lendemain après-midi, mais on de libère pas mon permis, confisqué.
Quelques semaines plus tard, tribunal. 2 mois de prison avec sursis. Motif : récidive. Ils ont été piocher une histoire vieille de dix ans à Deauville, au retour d’une dégustation de produits du terroir. »

A. LEONCE-LABOIE

Vas-y mollo, Johnny !

Crash test par César

En Suisse, Moritz Leuenberger, président de la Confédération et ministre des transports, suggère que les véhicules des automobilistes pris en flagrant délit d'alcool au volant soient pulvérisés sur place.

Pic et pic et colégramme, bourre et bourre et ratatam !

Choisissez votre destination :

Allemagne 0,25g
Australie 0,25g
Autriche 0,25g
Belgique 0,25g
Danemark 0,25g
Espagne 0,25g
Finlande 0,25g
France 0,25g
Grèce 0,25g
Irlande 0,40g
Italie 0,25g
Luxembourg 0,40g
Norvège 0,10g
Pays-Bas 0,25g
Portugal 0,25g
Rép. Tchèque 0,00g
Royaume-Uni 0,40g
Suède 0,10g
Suisse 0,40g
Etats-Unis (plus de 21 ans) 0,08%
Etats-Unis (18-21 ans) 0,01%

Permis : votre menu de réveillon

Comment perdre 1 point ?
- Chevauchement de ligne continue (attention, cela signifie deux roues de chaque côté de la ligne)
- Excès de vitesse de moins de 20 km/h (si la limite dépasse 50 km/h)

Comment perdre 2 points ?
- Si vous accélérez lorsqu’un insolent tente de vous dépasser
- Si vous circulez sur la bande séparative d’une autoroute
- Si vous dépassez de 20 à 30 km/h la vitesse limite
- Si vous avez installé un anti-radar
- Téléphone

Faire sa check list avant de décoller

Comment perdre 3 points ?
- Vous n’avez pas bouclé votre ceinture
- Arrêt ou stationnement dangereux
- Si vous prenez des risques en dépassant un gêneur
- Si vous dépassez de 30 à 40 km/h la vitesse limite
- Si vous ne respectez pas les restrictions marquées sur votre permis
- Non respect des distances entre deux véhicules
- Changement de direction sans clignotant
- Circulation sur bande d’arrêt d’urgence

Comment perdre 4 points ?
- Vous vous êtes aventuré sur un passage à niveau fermé
- Si vous dépassez de 40 à 50 km/h la vitesse limite
- Feu rouge
- Sens interdit
- Marche arrière ou demi-tour sur autoroute
- Vous n’avez pas allumé vos phares la nuit

 

L'alcool au guidon, c'est pas mieux

Comment perdre 6 points ?
- Si vous dépassez de 50 km/h et plus la vitesse limite
- Si votre foie n’a pas été assez performant après ce repas arrosé (0,5g par litre de sang). Attention, le contrôle peut donc être effectué en tous lieux ouverts à la circulation publique (aire de repos, de stationnement, parking, ...).

Où en êtes-vous de vos points ?
Il faut tenir un fichier Excel dans lequel vous ajoutez au fur et à mesure les points que vous vous êtes fait taxer (vous êtes prévenu par lettre)
Au troisième anniversaire de chaque retrait, vous récupérez les points afférents.

En outre, dès le 1er janvier, toute contravention à 1 point sera automatiquement recréditée au bout d’un an (si vous êtes resté sage douze mois d’affilée).

A quel moment suis-je officiellement « débité » ?
Le jour où vous payez l’amende. Autrement dit, si vous avez un risque comptable au bout de trois ans, mieux vaut différer de quelques jours ou quelques semaines le paiement de la plus récente amende, de manière à bénéficier de l’amnistie AVANT d’être débité à nouveau. Certes vous paierez un supplément, mais vous conserverez vos points. Donc n’allez pas chercher vos lettres recommandées en fin de période dangereuse, vous gagnerez 15 jours.

Au moindre doute, direction la préfecture (en attendant un accès Internet vers juillet 2007). On vous donnera votre décompte (et on ne pourra jamais vous y retirer votre permis).

Pour toute précision : www.droitroutier.fr/pv-alcool.html

La valeur n'attend point

A 12 ans, un Anglais est devenu le barman diplômé le plus jeune. Un problème : il n'a pas le droit de goûter ses cocktails.

(publicité)
ARE YOU READY FOR?

LACK OF ALCOHOL MAY BE HAZARDOUS TO YOUR HEALTH


La vodka à prix coûtant

Des cageots de victimes

Devant l’ampleur de la mortalité due à la vodka frelatée ("samogon") les autorités russes tentent de mettre en place une politique radicalement opposée à la désastreuse initiative de Gorbatchev (qui avait fait arracher toutes les vignes de l’empire, même les plus prestigieuses – voir notre article) : il s’agit aujourd’hui de mettre sur le marché une vodka peu coûteuse, mais sanitairement contrôlée.
En attendant, les entrepreneurs sautent sur le créneau et multiplient les offres de distilleries portables vendues par Internet. Les alambics domestiques deviennent si populaires que de nouveaux complexes immobiliers de luxe proposent des villas avec alambic incorporé ; un robinet est simplement ajouté dans la cuisine qui offre désormais : eau chaude, eau froide et petite eau.


IN MEMORIAM, JEAN-EDERN HALLIER

Ivre et borgne à 250 km/h

Avec les lois routières actuelles, la littérature française se serait sans doute passée de Jean-Edern Hallier, dont la plume - pour ceux qui l'ont lu - égalait celle de Lamartine ou de Chateaubriand (mais avec l'humour en plus). En effet, le génial trublion carburait à la vodka et consommait pas mal de super, à 250 km/h au volant de sa Ferrari. Comme il lui manquait un oeil, il n'aurait de surcroît pas vu les barrages, et donc aurait plongé aussi pour délit de fuite, un comble pour celui qui justement ne reculait devant aucune bravade.

Jean-Pierre JUMEZ

Tintin au Pays des Soviets (de Tonton)

 

Jean-Edern Hallier est décédé à Deauville le 27 janvier 1997 - selon certains experts entre 5 et 6 h du matin -, d'une chute de bicyclette, sans témoin. Dans l'avant-propos de cette biographie, le frère de l'écrivain, Laurent, n'y va pas avec le dos de la cuiller. C'est Roland Dumas qui a commandité l'asssassinat, symboliquement programmé tout juste un an après la mort de son matador, François Mitterrand, dont il aurait été pour ainsi dire l'exécuteur testamentaire. Un peu comme la journaliste américano-russe PolitkovskaÏa, tombée le jour de l'anniversaire de Poutine. Il faut dire qu'une chute de vélo à 7h du matin - la première fois qu'il était seul depuis longtemps - , un corps totalement maquillé à la morgue, un refus d'autopsie, pourtant obligatoire en la circonstance, un rapatriementà Paris par un ambulancier solitaire qui va mettre sept heures pour faire 202 kilomètres, et l’appartement du défunt dont le coffre est vidé, tout comme le coffre de sa chambre d'hôtel visité dans les minutes suivant son décès, tout cela fait désordre... D'autant qu'il avait arrêté de boire de la vodka.

Ce livre est remarquable par l'exposé clair de ce parcours rendu délibérément touffu par l'intéressé. Et les nombreuses citations nous rappellent qu'il fallait déguster les ouvrages de JEH au lieu de gober des articles de presse.

La vodka, déclencheuse de pensée

Evidemment, tout l'ouvrage est scandé de vodka qui souvent accompagne ses plus grandes envolées et... ses plus grandes imprudences.

Un livre clair, tendre mais non partisan, un patchwork d'anecdotes qui replace l'écrivain dans sa géniale perspective et donne le véritable éckairage de l'ère mitterrandienne : la soviétisation de la France. La liberté de la presse complètement bafouée (pas de papier pour l'impression de l'Idiot International, menaces sur tous les éditeurs parisiens en cas de publication de l'Honneur Perdu de François Mitterrand. Des condamnations sans procès : non seulement le régime tentait de pousser le malheureux JEH au suicide (en mettant par exemple en place une diabolique comédie : trois policiers, habillés rigoureusement de la même manière, se relayaient pour le suivre, si bien la victime était appelée à croire que le diable en personne était à ses trousses) ; des persécutions en série : tous ceux qui approchaient de près ou de loin l'écrivain étaient suivis, écoutés, cambriolés (nous tenons les détails à votre disposition) ; amnisties des délinquants trop dangereux (Roland Dumas, condamné à deux ans de prison dont six mois ferme, a été gracié par Dominique Perben sur lequel il y a tout à parier que l'ancien ministre de Mitterrand détenait des dossiers).

Bref, tout ce qui fait que les membres du Parti Alcoologiste Français - 5 millions d'adhérents potentiels et 35 millions de sympathisants - sont désormais une bande de hooligans qu'il convient de réduire à néant.

Justin PETIT-DERNIER

La Mise à Mort de Jean-Edern Hallier - Dominique Lacout & Christian Lançon - Presses de la Renaissance - 21 euros en France métropolitaine.

Papotage place des Vosges

par Jean-Pierre Jumez

Il y a une dizaine d'années j'avais retrouvé JEH dans son appartement entièrement vidé Place des Vosges. Poursuivi par les huissiers - il sursautait à chaque coup de sonnette - agressé dans son âme et dans son corps, Jean Edern Hallier n'était pourtant pas le loup de Vigny acculé au mur. Ses ennuis, essentiellement dus à d’énormes amendes infligées pour diffamation à son journal "L'Idiot International », semblaient galvaniser cet homme rare dont le tort essentiel était de faire coller ses actions à ses paroles. Même si certaines métaphores frisent le sacrilège, les pensées que J E Hallier me livrait étaient empreintes d'un étonnant bon sens, et révèlaient un personnage qui, au delà d'une énorme connaissance, avait su rester simple et cohérent. Envers et contre tous. Quant à son verbe cru, il n'avait jamais résonné aussi vrai.

"Je suis à la fois la guêpe et l'abeille"


Jean-Pierre Jumez : "Yves Montand rejoint ses vers": Cela, c'est le titre de l'Idiot lnternational au moment du décès du chanteur. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous, vous n'avez pas rejoint le choeur des Vierges. Pourquoi ?

Jean Edern Hallier : Une société qui met ses erreurs sur un piédestal, qui cultive le reniement, qui ne supporte pas qu'on maintienne ses vérités, voilà un signe évident du renversement des valeurs. Un maître à penser ne peut se tromper. Sinon, il n'est pas maître à penser, il est acteur, ce qu'était précisément Yves Montand. Comme tout le monde, il a suivi les médias ou plutôt les a légèrement précédés avec un extraordinaire opportunisme, sans rigueur morale. Il a flotté comme un chien crevé au fil de l'eau, suivant le courant. Moi, si je suis catholique, je reste catholique, envers et contre tous. J'essaie de le remonter, ce courant, pour tenter d'engendrer l'avenir de mon pays, de sa pensée, de son talent, de son intelligence, avec une croyance absolue en l'oeuvre d'art.

JPJ : Mais n'est il pas normal d'essayer de tirer le parti de ses erreurs ?

J.E.H. : Vous voulez dire qu'il faut avoir été trotskiste ou révolté pour devenir crédible ou écouté, qu'on trouve une légitimité dès lors qu'on a trahi les causes de son adolescence ? C'est peut être bien d'avoir été révolté, mais il faut le rester. Moi, je suis rebelle de la naissance à la mort. Hugo avait le sens du refus, et non celui de l'opportunisme. La révolte, on le voit c'est l'acné juvénile. La rébellion, celle que je vis, c'est l'état de fait d'analyse de la société, qui implique rigueur, courage, détermination, qui porte en soi toutes les valeurs profondes qu'on nous a inculquées: sacrifice, amitié, amour.

JPJ : Mais Montand justement, était sincère, lui au moins!

J.E.H. : Non...

"Si Le Pen devient Président de la République, Bernard-Henri Lévy fera des pieds et des mains pour être reçu à l'Élysée"

JPJ : Et l'intelligentsia, aujourd'hui ?

J.E.H : Uniformisée, scandaleusement lâche. Ils ont tous besoin d'un strapontin dans la presse qu'ils caressent dans le sens du poil. Vous verrez que si Chirac ou Giscard reprend le pouvoir, ils iront manger dans l'écuelle de l'Élysée. Vous verrez que si Le Pen devient Président de la République, Bernard-Henri Lévy fera des pieds et des mains pour être reçu à l'Élysée.

JPJ : Qu'est ce qui vous permet de dire cela ?

J.E.H. : Mais ouvrez les yeux. Il y a une disproportion totale entre la puissance des médias pourtant si peu suivis, on le voit avec les tirages désolants des quotidiens nationaux et le pays réel, même si la presse provinciale touche plus profondément le pays. Aussi parce qu'il y a un vertige narcissique à l'idée de passer à la télé, d'y faire des provocations bien calculées, quitte à suivre un cheminement abominable pour une fonction d'intellectuel.

JPJ : Vous êtes mal placé pour dire ça !

J.E.H. : Moi, je préfère jouer au clown plutôt que de me trahir. C'était le choix de quelques artistes du début de ce siècle: Dali, Picasso, André Breton...

JPJ : Et vos anciens amis, ceux de mai 68 ; quel regard portez vous sur eux ?

J.E.H. : Tous, que ce soit Kouchner, Chevènement, Rocard ou Brice Lalonde, pour citer les meilleurs, ont certes bien réussi (comparez leurs mines de poupons à mon faciès émacié), mais ils ont trahi leur adolescence.

Les meilleurs papiers réédités par Albin Michel (2005)

JPJ : Et ce journal l'Idiot International que vous portez à bout de bras ?

J E.H. : J'ai envie d'engendrer une génération. Je suis à l'aise avec les jeunes qui m'entourent, dans cette équipe ou ailleurs, et qui ont du courage, comme les femmes, d'ailleurs, qui connaissent la souffrance, elles (et c'est pourquoi ma solitude est protégée par une atmosphère tendrement harémique). J'éprouve un frisson paternel lorsque je lis un beau texte. Lorsque je sens percer un talent, j'essaie de l'arroser sans le brûler. Mais l'Idiot, c'est aussi un acte de rébellion accéléré. Cela fait 30 ans que je prends des risques et qu'on le sait. Je reste debout ; les problèmes de l’Idiot sont graves. On saisit mes biens personnels, mon appartement place des Vosges est vide. Mais j'assume, tout comme du granit breton. Celui dont est fait mon château. Compte tenu de mes intransigeances, j'aurais dû mourir à 25 ans, tout comme Jim Morrison. Dieu sait comment j’ai pu survivre à tant de tempêtes. L'explication réside peut être dans une force physique hors du commun et une éducation rigoureuse. Et aussi, j’aime beaucoup la France. J'aime notre langue, notre civilisation, notre talent de vivre, dans tous les sens du terme. Et je me désole de la voir disparaître dans une infâme américanisation. La France devient une banlieue de l'Amérique.

JPJ : Ce phénomène n'est pas seulement français !

J. E. H. : Le japon, l'Islam et certains petits appendices. tels Cuba, résistent. J'aime le côté Astérix de Fidel Castro qui lutte depuis 30 ans, comme moi, contre les vilains Romains. Mais je suis consterné de voir l'inversion des valeurs qui se glisse dans notre pays, où les cancres sont au pouvoir, pendant que la vraie élite, celle qui n'est pas médiatisée, reste ignorée. Je parle de ces gens réels, ceux du Collège de France, ces chercheurs de l'institut Pasteur, ces ingénieurs aéronautiques, les vrais entrepreneurs tels Dassault, Rocher, Bolloré, ces grands cuisiniers, ces grands couturiers, ces secrétaires, ces facteurs. J'aime la France des facteurs. Il aura fallu un prix Nobel pour qu'on parle (et encore, pendant trois jours!) du prof. de Gennes, pourtant un homme admirable. Alors, avec l’Idiot, je suis un patron de presse qui reconquiert son pays de l'intérieur.

JPJ : En vous acharnant sur des sujets et des gens !

J.E.H. : Je fais le vrai travail du journaliste. Mes révélations sur Mitterrand et la Cagoule étaient vraies. Elles ont été reprises par le Crapouillot, d'ailleurs. On pourrait citer mille sujets. En réalité, ce qui hérisse, c'est le talent. "Dites ce que vous voulez sur le goulag mais surtout ne haussez pas le ton". Cela, c'était la recommandation faite à un ami qui était correspondant de presse sous Brejnev. Dès que l'on met de la chaleur, de la violence, bref, de l'humain dans un discours, il devient insupportable. Le réductionnisme journalistique rejoint le révisionnisme. Une chambre à gaz, ce n'est pas une constatation, c'est une émotion. L'info sans talent, ce n'est que de la farine sans levain.

JPJ : En somme, vous prônez une vraie hiérarchisation de l'information.

J.E.H. : L'objectivité, cela n'existe pas. C'est tendancieux de le dire. Moi, je ne suis pas toujours d'accord avec moi-même, ce qui est une preuve que je suis un vrai démocrate.

JPJ : Revenons sur votre enlèvement...

J.E.H. : Une vieille histoire classée : simple opération téléguidée de l'Elysée pour me disqualifier. 3 heures après mon enlèvement, l'Elysée téléphonait partout, sous-entendant que c'était une mystification de ma part. L'Elysée savait que mon brûlot était sur le point de sortir.

JPJ : Ce qui est étonnant, lorsqu'on vous écoute, c'est que vous êtes resté au fond un être extraordinairement simple ?


J. E. H. : Le bien contre le mal, le pauvre contre riche, la défense de la femme humiliée, de l'enfant qui meurt, je suis en effet un être clair, tout comme Hugo, Sue, Bernanos ou Dostoïevski. La pensée Jean Edern Hallier, c'est la pensée de tout le monde. Les assistantes sociales m'ont porté en triomphe, les infirmières m'ont revêtu d'une blouse blanche. Je suis aimé du peuple. Cela m'aide énormément. J’ai fait du cyclisme, autrefois*. Seul l'encouragement des foules me permettait de tenir jusqu'en haut de la côte. C'est ce que je ressens en ce moment, mais en plus du col à franchir, on ne cesse de crever mes boyaux, de voiler mes roues, de m'imposer vélos trop lourds. Je suis en phase avec les gens qui n'ont pas la parole. L'écrivain exprime plus de passion que le théologien ou le pédiatre. Une femme m'a dit l'autre jour: "Vous vous battez pour moi ».

"Je rêve de Napoléon plus que de Delors. D'une politique de conquête qui ferait plier l'Amérique tout en aidant le tiers monde."


JPJ : Vous parlez de la France, de ses régions et de l'Europe ?

J.E.H. : L'Europe, comme je viens de vous le dire, est complètement sous la coupe de l'Amérique. Je rêve de Napoléon plus que de Delors. Je rêve de politique de conquêtes qui ferait plier l’Amérique tout en aidant le tiers monde, ce qui est très possible. Je rêve d'une Europe des universités, de la connaissance, de l'intelligence, de la liberté. Mais les problèmes me paraissent énormes, car nous revenons aux structures des nations féodales. C'est l'Europe révolutionnaire des années 1830 et 1848 qui a donné l'Europe moderne. Cette Europe-là est morte, au profit de l'Europe des provinces, comme sous la féodalité. A l'époque, cela fonctionnait grâce à des rapports d'association avec les voisins. Le système fonctionnera au moment où l'on favorisera les provinces unies d'Europe, et non pas les états-unis d’Europe. C'est pour cela que je reviens en Bretagne. Je fuis cette entité dirigée par un technocrate de 70 ans (NDLR J. Delors) qui n'a jamais brillé que par la grisaille de son appareil, ou par les pires résultats que l'économie française ait jamais enregistrés.

JPJ : Vous parlez parfois comme le Front National ?

J.E.H. : Le F.N. est le ferrailleur de nos valeurs traditionnelles. Jean Marie Le Pen a acheté la statue de Jeanne d'Arc au rabais. Personne ne parle de la France. On a même inventé un terme pour dénigrer la France : "franchouillard". Sur le plan culturel pourtant, Le Pen fait un bon calcul, celui de la France française, la chambre bleu horizon du début du siècle. Il dispose d'une réserve d'Indiens. C'est le Sitting Bull ferrailleur. Vive les Sioux!

JPJ : Le Pen et Mitterrand semblent les deux monstres de la vie politique française !

J.E.H. : Oui, et je l'ai déjà dit : c'est le couple infernal. Ils s'estiment, d'ailleurs. Et ils ont tant besoin l'un de l'autre, c'est touchant ! Mitterrand use éternellement d'un machiavélisme simple. Il s'était allié à Tixier Vignancourt pour mettre de Gaulle en ballottage. Aujourd'hui, il se hisse sur le dos d'Harlem Désir et de Jean Marie Le Pen pour se maintenir.

JPJ : Vous parlez et agissez toujours avec passion, énergie, dynamisme ; que manque-t-il à la France pour amorcer ce même nouvel élan ?

J.E.H. : Mitterrand a posé une gerbe de roses (fût-ce de nuit) sur la tombe de Pétain. Ce n'est pas un hasard. On nous fourvoie avec un principe d'égalité complètement faux et truqué, une utopie digne des charcutiers enrichis. Il reste quelque chose de très profond, qu'on cache pudiquement, et qui pourtant va du moyen-âge au 17' siècle français : travail, famille, patrie. Je ne cherche pas à réhabiliter Pétain, mais celui qui a trouvé cette formule était un conseiller en marketing autrement plus fort que Séguéla. L'élan du futur se trouve dans le passé.

JPJ: Dans de Gaulle, par exemple ?

J.E.H. : Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois, mais il m'envoyait une lettre pour chacun de mes livres, rédigée de son écriture de vieille dame, de Sacré-Coeur. Il a été le dernier homme du simulacre français. Il a transformé les enfants du baby-boom en enfants de menteurs : annoncer que l'on a gagné une guerre, alors qu'on l'a perdue, cela se paie. La France a connu des guerres pendant mille ans. Lorsqu'elle les a perdues, elle a admis ses défaites et s'est interrogée. "39-45" est la première guerre dont la défaite ait été niée. Il n'y a donc pas eu la remise en question nécessaire après tout échec. Naturellement, je ne veux pas remettre la France en question. Mais je voudrais lui communiquer une force de rébellion, d'identité, de retour à elle même. Cela ne passe pas par des partis ; cela passe par une sorte de retour à la responsabilité individuelle, à la dénonciation de la sous culture journalistique. Que dire à un épicier de quartier qui se désespère de l'état de son pays ? "Il est délicieux, votre pain d’épices ". A la secrétaire: "Vous rédigez de très belles lettres ".. Au garagiste : "Personne ne sait aussi bien rééquilibrer mes roues que vous". Il faut rendre l'amour du travail bien fait. Idem pour l'écrivain. Même si je vends mal, je n'ai pas fait de plagiat, je n'ai pas employé de nègres. J'ai la satisfaction du travail accompli. Aujourd'hui, on a relégué l'industrialisation au tiers monde. Le capitalisme est financier, non plus industriel. Avant, on humiliait le travailleur. Aujourd'hui, on l'expulse. Le meilleur employé est viré. Autrefois, c'était de Wendel qui créait des milliers d'emplois. Aujourd'hui, c'est Tapie qui licencie des milliers de personnes. Et il est, bien sûr, célébré par les médias... Il faut donc refaire une France des valeurs. Je sors d'une Bretagne qui a donné à la France Du Guesclin, Madame de Sévigné, Chateaubriand, Bolloré, Leclerc, Bernard Hinault. Si l'on m'oblige à changer de peuple, il ne me reste qu'à demander l'indépendance de la Bretagne.

JPJ : Jean Edern Hallier, au fond vous êtes un très bon aiguillon ?

J.E.H. : Certes, mais je suis à la fois la guêpe et l'abeille.

Bonne année les poussins !


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(Pierre Desproges, cité par Oenologie, Vin, Humour)

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