La vodka à prix coûtant
Des cageots de victimes
Devant l’ampleur de la mortalité
due à la vodka frelatée ("samogon") les autorités
russes tentent de mettre en place une politique
radicalement opposée à la désastreuse initiative
de Gorbatchev (qui avait fait arracher toutes les
vignes de l’empire, même les plus prestigieuses –
voir
notre article) : il s’agit aujourd’hui de
mettre sur le marché une vodka peu coûteuse, mais
sanitairement contrôlée.
En attendant, les entrepreneurs sautent sur le
créneau et multiplient les offres de distilleries
portables vendues par Internet. Les alambics
domestiques deviennent si populaires que de
nouveaux complexes immobiliers de luxe proposent
des villas avec alambic incorporé ; un robinet est
simplement ajouté dans la cuisine qui offre
désormais : eau chaude, eau froide et petite eau.
IN MEMORIAM,
JEAN-EDERN HALLIER
Ivre et borgne à 250
km/h
Avec les lois routières
actuelles, la littérature française se serait
sans doute passée de Jean-Edern Hallier, dont la
plume - pour ceux qui l'ont lu - égalait celle
de Lamartine ou de Chateaubriand (mais avec
l'humour en plus). En effet, le génial trublion
carburait à la vodka et consommait pas mal de
super, à 250 km/h au volant de sa Ferrari. Comme
il lui manquait un oeil, il n'aurait de surcroît
pas vu les barrages, et donc aurait plongé aussi
pour délit de fuite, un comble pour celui qui
justement ne reculait devant aucune bravade.
Jean-Pierre JUMEZ
Tintin au
Pays des Soviets (de Tonton)
Jean-Edern Hallier est décédé à
Deauville le 27 janvier 1997 - selon certains
experts entre 5 et 6 h du matin -, d'une chute de
bicyclette, sans témoin. Dans l'avant-propos de
cette biographie, le frère de l'écrivain, Laurent,
n'y va pas avec le dos de la cuiller. C'est Roland
Dumas qui a commandité l'asssassinat,
symboliquement programmé tout juste un an après la
mort de son matador, François Mitterrand, dont il
aurait été pour ainsi dire l'exécuteur
testamentaire. Un peu comme la journaliste
américano-russe PolitkovskaÏa, tombée le jour de
l'anniversaire de Poutine. Il faut dire qu'une
chute de vélo à 7h du matin - la première fois
qu'il était seul depuis longtemps - , un corps
totalement maquillé à la morgue, un refus
d'autopsie, pourtant obligatoire en la
circonstance, un rapatriementà Paris par un
ambulancier solitaire qui va mettre sept heures
pour faire 202 kilomètres, et l’appartement du
défunt dont le coffre est vidé, tout comme le
coffre de sa chambre d'hôtel visité dans les
minutes suivant son décès, tout cela fait
désordre... D'autant qu'il avait arrêté de boire
de la vodka.
Ce livre est remarquable par
l'exposé clair de ce parcours rendu délibérément
touffu par l'intéressé. Et les nombreuses
citations nous rappellent qu'il fallait déguster
les ouvrages de JEH au lieu de gober des articles
de presse.
La vodka, déclencheuse de
pensée
Evidemment, tout l'ouvrage est
scandé de vodka qui souvent accompagne ses plus
grandes envolées et... ses plus grandes
imprudences.
Un livre clair, tendre mais non
partisan, un patchwork d'anecdotes qui replace
l'écrivain dans sa géniale perspective et donne le
véritable éckairage de l'ère mitterrandienne : la
soviétisation de la France. La liberté de la
presse complètement bafouée (pas de papier pour
l'impression de l'Idiot International,
menaces sur tous les éditeurs parisiens en cas de
publication de l'Honneur Perdu de François
Mitterrand. Des condamnations sans procès
: non seulement le régime tentait de pousser le
malheureux JEH au suicide (en mettant par exemple
en place une diabolique comédie : trois policiers,
habillés rigoureusement de la même manière, se
relayaient pour le suivre, si bien la victime
était appelée à croire que le diable en personne
était à ses trousses) ; des persécutions en série
: tous ceux qui approchaient de près ou de loin
l'écrivain étaient suivis, écoutés, cambriolés
(nous tenons les détails à votre disposition) ;
amnisties des délinquants trop dangereux (Roland
Dumas, condamné à deux ans de prison dont six mois
ferme, a été gracié par Dominique Perben sur
lequel il y a tout à parier que l'ancien ministre
de Mitterrand détenait des dossiers).
Bref, tout ce qui fait que les
membres du Parti Alcoologiste Français - 5
millions d'adhérents potentiels et 35 millions de
sympathisants - sont désormais une bande de
hooligans qu'il convient de réduire à néant.
Justin PETIT-DERNIER
La Mise à Mort de
Jean-Edern Hallier - Dominique Lacout &
Christian Lançon - Presses de la Renaissance -
21 euros en France métropolitaine.
Papotage
place des Vosges
par
Jean-Pierre Jumez
Il y a une dizaine d'années j'avais
retrouvé JEH dans son appartement entièrement vidé
Place des Vosges. Poursuivi par les huissiers - il
sursautait à chaque coup de sonnette - agressé
dans son âme et dans son corps, Jean Edern Hallier
n'était pourtant pas le loup de Vigny acculé au
mur. Ses ennuis, essentiellement dus à d’énormes
amendes infligées pour diffamation à son journal
"L'Idiot International », semblaient galvaniser
cet homme rare dont le tort essentiel était de
faire coller ses actions à ses paroles. Même si
certaines métaphores frisent le sacrilège, les
pensées que J E Hallier me livrait étaient
empreintes d'un étonnant bon sens, et révèlaient
un personnage qui, au delà d'une énorme
connaissance, avait su rester simple et cohérent.
Envers et contre tous. Quant à son verbe cru, il
n'avait jamais résonné aussi vrai.
"Je suis à la fois la
guêpe et l'abeille"
Jean-Pierre Jumez : "Yves Montand rejoint ses
vers": Cela, c'est le titre de l'Idiot
lnternational au moment du décès du chanteur. Le
moins qu'on puisse dire, c'est que vous, vous
n'avez pas rejoint le choeur des Vierges.
Pourquoi ?
Jean Edern Hallier : Une société
qui met ses erreurs sur un piédestal, qui cultive
le reniement, qui ne supporte pas qu'on maintienne
ses vérités, voilà un signe évident du
renversement des valeurs. Un maître à penser ne
peut se tromper. Sinon, il n'est pas maître à
penser, il est acteur, ce qu'était précisément
Yves Montand. Comme tout le monde, il a suivi les
médias ou plutôt les a légèrement précédés avec un
extraordinaire opportunisme, sans rigueur morale.
Il a flotté comme un chien crevé au fil de l'eau,
suivant le courant. Moi, si je suis catholique, je
reste catholique, envers et contre tous. J'essaie
de le remonter, ce courant, pour tenter
d'engendrer l'avenir de mon pays, de sa pensée, de
son talent, de son intelligence, avec une croyance
absolue en l'oeuvre d'art.
JPJ : Mais n'est il pas
normal d'essayer de tirer le parti de ses
erreurs ?
J.E.H. : Vous voulez dire qu'il
faut avoir été trotskiste ou révolté pour devenir
crédible ou écouté, qu'on trouve une légitimité
dès lors qu'on a trahi les causes de son
adolescence ? C'est peut être bien d'avoir été
révolté, mais il faut le rester. Moi, je suis
rebelle de la naissance à la mort. Hugo avait le
sens du refus, et non celui de l'opportunisme. La
révolte, on le voit c'est l'acné juvénile. La
rébellion, celle que je vis, c'est l'état de fait
d'analyse de la société, qui implique rigueur,
courage, détermination, qui porte en soi toutes
les valeurs profondes qu'on nous a inculquées:
sacrifice, amitié, amour.
JPJ : Mais Montand justement,
était sincère, lui au moins!
J.E.H. : Non...
"Si Le Pen devient
Président de la République, Bernard-Henri Lévy
fera des pieds et des mains pour être reçu à
l'Élysée"
JPJ : Et l'intelligentsia,
aujourd'hui ?
J.E.H : Uniformisée,
scandaleusement lâche. Ils ont tous besoin d'un
strapontin dans la presse qu'ils caressent dans le
sens du poil. Vous verrez que si Chirac ou Giscard
reprend le pouvoir, ils iront manger dans
l'écuelle de l'Élysée. Vous verrez que si Le Pen
devient Président de la République, Bernard-Henri
Lévy fera des pieds et des mains pour être reçu à
l'Élysée.
JPJ : Qu'est ce qui vous
permet de dire cela ?
J.E.H. : Mais ouvrez les yeux. Il
y a une disproportion totale entre la puissance
des médias pourtant si peu suivis, on le voit avec
les tirages désolants des quotidiens nationaux et
le pays réel, même si la presse provinciale touche
plus profondément le pays. Aussi parce qu'il y a
un vertige narcissique à l'idée de passer à la
télé, d'y faire des provocations bien calculées,
quitte à suivre un cheminement abominable pour une
fonction d'intellectuel.
JPJ : Vous êtes mal placé
pour dire ça !
J.E.H. : Moi, je préfère jouer au
clown plutôt que de me trahir. C'était le choix de
quelques artistes du début de ce siècle: Dali,
Picasso, André Breton...
JPJ : Et vos anciens amis,
ceux de mai 68 ; quel regard portez vous sur eux
?
J.E.H. : Tous, que ce soit
Kouchner, Chevènement, Rocard ou Brice Lalonde,
pour citer les meilleurs, ont certes bien réussi
(comparez leurs mines de poupons à mon faciès
émacié), mais ils ont trahi leur adolescence.
Les meilleurs papiers
réédités par Albin Michel (2005)
JPJ : Et ce journal l'Idiot
International que vous portez à bout de bras ?
J E.H. : J'ai envie d'engendrer
une génération. Je suis à l'aise avec les jeunes
qui m'entourent, dans cette équipe ou ailleurs, et
qui ont du courage, comme les femmes, d'ailleurs,
qui connaissent la souffrance, elles (et c'est
pourquoi ma solitude est protégée par une
atmosphère tendrement harémique). J'éprouve un
frisson paternel lorsque je lis un beau texte.
Lorsque je sens percer un talent, j'essaie de
l'arroser sans le brûler. Mais l'Idiot, c'est
aussi un acte de rébellion accéléré. Cela fait 30
ans que je prends des risques et qu'on le sait. Je
reste debout ; les problèmes de l’Idiot sont
graves. On saisit mes biens personnels, mon
appartement place des Vosges est vide. Mais
j'assume, tout comme du granit breton. Celui dont
est fait mon château. Compte tenu de mes
intransigeances, j'aurais dû mourir à 25 ans, tout
comme Jim Morrison. Dieu sait comment j’ai pu
survivre à tant de tempêtes. L'explication réside
peut être dans une force physique hors du commun
et une éducation rigoureuse. Et aussi, j’aime
beaucoup la France. J'aime notre langue, notre
civilisation, notre talent de vivre, dans tous les
sens du terme. Et je me désole de la voir
disparaître dans une infâme américanisation. La
France devient une banlieue de l'Amérique.
JPJ : Ce phénomène n'est pas
seulement français !
J. E. H. : Le japon, l'Islam et
certains petits appendices. tels Cuba, résistent.
J'aime le côté Astérix de Fidel Castro qui lutte
depuis 30 ans, comme moi, contre les vilains
Romains. Mais je suis consterné de voir
l'inversion des valeurs qui se glisse dans notre
pays, où les cancres sont au pouvoir, pendant que
la vraie élite, celle qui n'est pas médiatisée,
reste ignorée. Je parle de ces gens réels, ceux du
Collège de France, ces chercheurs de l'institut
Pasteur, ces ingénieurs aéronautiques, les vrais
entrepreneurs tels Dassault, Rocher, Bolloré, ces
grands cuisiniers, ces grands couturiers, ces
secrétaires, ces facteurs. J'aime la France des
facteurs. Il aura fallu un prix Nobel pour qu'on
parle (et encore, pendant trois jours!) du prof.
de Gennes, pourtant un homme admirable. Alors,
avec l’Idiot, je suis un patron de presse qui
reconquiert son pays de l'intérieur.
JPJ : En vous acharnant sur
des sujets et des gens !
J.E.H. : Je fais le vrai travail
du journaliste. Mes révélations sur Mitterrand et
la Cagoule étaient vraies. Elles ont été reprises
par le Crapouillot, d'ailleurs. On pourrait citer
mille sujets. En réalité, ce qui hérisse, c'est le
talent. "Dites ce que vous voulez sur le goulag
mais surtout ne haussez pas le ton". Cela, c'était
la recommandation faite à un ami qui était
correspondant de presse sous Brejnev. Dès que l'on
met de la chaleur, de la violence, bref, de
l'humain dans un discours, il devient
insupportable. Le réductionnisme journalistique
rejoint le révisionnisme. Une chambre à gaz, ce
n'est pas une constatation, c'est une émotion.
L'info sans talent, ce n'est que de la farine sans
levain.
JPJ : En somme, vous prônez
une vraie hiérarchisation de l'information.
J.E.H. : L'objectivité, cela
n'existe pas. C'est tendancieux de le dire. Moi,
je ne suis pas toujours d'accord avec moi-même, ce
qui est une preuve que je suis un vrai démocrate.
JPJ : Revenons sur votre
enlèvement...
J.E.H. : Une vieille histoire
classée : simple opération téléguidée de l'Elysée
pour me disqualifier. 3 heures après mon
enlèvement, l'Elysée téléphonait partout,
sous-entendant que c'était une mystification de ma
part. L'Elysée savait que mon brûlot était sur le
point de sortir.
JPJ : Ce qui est étonnant,
lorsqu'on vous écoute, c'est que vous êtes resté
au fond un être extraordinairement simple ?
J. E. H. : Le bien contre le mal, le pauvre contre
riche, la défense de la femme humiliée, de
l'enfant qui meurt, je suis en effet un être
clair, tout comme Hugo, Sue, Bernanos ou
Dostoïevski. La pensée Jean Edern Hallier, c'est
la pensée de tout le monde. Les assistantes
sociales m'ont porté en triomphe, les infirmières
m'ont revêtu d'une blouse blanche. Je suis aimé du
peuple. Cela m'aide énormément. J’ai fait du
cyclisme, autrefois*. Seul l'encouragement des
foules me permettait de tenir jusqu'en haut de la
côte. C'est ce que je ressens en ce moment, mais
en plus du col à franchir, on ne cesse de crever
mes boyaux, de voiler mes roues, de m'imposer
vélos trop lourds. Je suis en phase avec les gens
qui n'ont pas la parole. L'écrivain exprime plus
de passion que le théologien ou le pédiatre. Une
femme m'a dit l'autre jour: "Vous vous battez pour
moi ».
"Je rêve de Napoléon
plus que de Delors. D'une politique de
conquête qui ferait plier l'Amérique tout en
aidant le tiers monde."
JPJ : Vous parlez de la France, de ses régions
et de l'Europe ?
J.E.H. : L'Europe, comme je viens
de vous le dire, est complètement sous la coupe de
l'Amérique. Je rêve de Napoléon plus que de
Delors. Je rêve de politique de conquêtes qui
ferait plier l’Amérique tout en aidant le tiers
monde, ce qui est très possible. Je rêve d'une
Europe des universités, de la connaissance, de
l'intelligence, de la liberté. Mais les problèmes
me paraissent énormes, car nous revenons aux
structures des nations féodales. C'est l'Europe
révolutionnaire des années 1830 et 1848 qui a
donné l'Europe moderne. Cette Europe-là est morte,
au profit de l'Europe des provinces, comme sous la
féodalité. A l'époque, cela fonctionnait grâce à
des rapports d'association avec les voisins. Le
système fonctionnera au moment où l'on favorisera
les provinces unies d'Europe, et non pas les
états-unis d’Europe. C'est pour cela que je
reviens en Bretagne. Je fuis cette entité dirigée
par un technocrate de 70 ans (NDLR J. Delors) qui
n'a jamais brillé que par la grisaille de son
appareil, ou par les pires résultats que
l'économie française ait jamais enregistrés.
JPJ : Vous parlez parfois
comme le Front National ?
J.E.H. : Le F.N. est le
ferrailleur de nos valeurs traditionnelles. Jean
Marie Le Pen a acheté la statue de Jeanne d'Arc au
rabais. Personne ne parle de la France. On a même
inventé un terme pour dénigrer la France :
"franchouillard". Sur le plan culturel pourtant,
Le Pen fait un bon calcul, celui de la France
française, la chambre bleu horizon du début du
siècle. Il dispose d'une réserve d'Indiens. C'est
le Sitting Bull ferrailleur. Vive les Sioux!
JPJ : Le Pen et Mitterrand
semblent les deux monstres de la vie politique
française !
J.E.H. : Oui, et je l'ai déjà dit
: c'est le couple infernal. Ils s'estiment,
d'ailleurs. Et ils ont tant besoin l'un de
l'autre, c'est touchant ! Mitterrand use
éternellement d'un machiavélisme simple. Il
s'était allié à Tixier Vignancourt pour mettre de
Gaulle en ballottage. Aujourd'hui, il se hisse sur
le dos d'Harlem Désir et de Jean Marie Le Pen pour
se maintenir.
JPJ : Vous parlez et agissez
toujours avec passion, énergie, dynamisme ; que
manque-t-il à la France pour amorcer ce même
nouvel élan ?
J.E.H. : Mitterrand a posé une
gerbe de roses (fût-ce de nuit) sur la tombe de
Pétain. Ce n'est pas un hasard. On nous fourvoie
avec un principe d'égalité complètement faux et
truqué, une utopie digne des charcutiers enrichis.
Il reste quelque chose de très profond, qu'on
cache pudiquement, et qui pourtant va du moyen-âge
au 17' siècle français : travail, famille, patrie.
Je ne cherche pas à réhabiliter Pétain, mais celui
qui a trouvé cette formule était un conseiller en
marketing autrement plus fort que Séguéla. L'élan
du futur se trouve dans le passé.
JPJ: Dans de Gaulle, par
exemple ?
J.E.H. : Je ne l'ai rencontré
qu'une seule fois, mais il m'envoyait une lettre
pour chacun de mes livres, rédigée de son écriture
de vieille dame, de Sacré-Coeur. Il a été le
dernier homme du simulacre français. Il a
transformé les enfants du baby-boom en enfants de
menteurs : annoncer que l'on a gagné une guerre,
alors qu'on l'a perdue, cela se paie. La France a
connu des guerres pendant mille ans. Lorsqu'elle
les a perdues, elle a admis ses défaites et s'est
interrogée. "39-45" est la première guerre dont la
défaite ait été niée. Il n'y a donc pas eu la
remise en question nécessaire après tout échec.
Naturellement, je ne veux pas remettre la France
en question. Mais je voudrais lui communiquer une
force de rébellion, d'identité, de retour à elle
même. Cela ne passe pas par des partis ; cela
passe par une sorte de retour à la responsabilité
individuelle, à la dénonciation de la sous culture
journalistique. Que dire à un épicier de quartier
qui se désespère de l'état de son pays ? "Il est
délicieux, votre pain d’épices ". A la secrétaire:
"Vous rédigez de très belles lettres ".. Au
garagiste : "Personne ne sait aussi bien
rééquilibrer mes roues que vous". Il faut rendre
l'amour du travail bien fait. Idem pour
l'écrivain. Même si je vends mal, je n'ai pas fait
de plagiat, je n'ai pas employé de nègres. J'ai la
satisfaction du travail accompli. Aujourd'hui, on
a relégué l'industrialisation au tiers monde. Le
capitalisme est financier, non plus industriel.
Avant, on humiliait le travailleur. Aujourd'hui,
on l'expulse. Le meilleur employé est viré.
Autrefois, c'était de Wendel qui créait des
milliers d'emplois. Aujourd'hui, c'est Tapie qui
licencie des milliers de personnes. Et il est,
bien sûr, célébré par les médias... Il faut donc
refaire une France des valeurs. Je sors d'une
Bretagne qui a donné à la France Du Guesclin,
Madame de Sévigné, Chateaubriand, Bolloré,
Leclerc, Bernard Hinault. Si l'on m'oblige à
changer de peuple, il ne me reste qu'à demander
l'indépendance de la Bretagne.
JPJ : Jean Edern Hallier, au
fond vous êtes un très bon aiguillon ?
J.E.H. : Certes, mais je suis à
la fois la guêpe et l'abeille.
Bonne année les
poussins !